Installé depuis 1937 dans son atelier de la rue de Belleville, c'est à cette même adresse que Maurice a transmis son savoir-faire à des élèves de nationalités et d'horizons divers. Passionné par son métier et doué pour la transmission, Maurice était un professeur hors du commun. Celles & ceux qui ont le plaisir d'avoir suivi son enseignement ne sont pas près de l'oublier.

UN DEBUT DE BIOGRAPHIE ...

Maurice Arnoult est né le 23 juin 1908 à Bagneaux s/Loing en Seine et Marne.
De santé fragile, il n'ira pas à l'école. Ses grands-parents qui l'élèvent lui donnent à garder les chèvres. « Bête comme il est, on en fera un cordonnier » aurait dit un jour sa grand-mère. A 14 ans, il est expédié à Paris chez un ami de la famille qui l'accepte comme apprenti à Belleville.

Dans les années 1920, Belleville est le haut lieu des artisans de la chaussure : les vagues d'immigrants, juifs d'Europe centrale, grecs, arméniens, italiens y trouvent ateliers et logements à bon marché. Pour Maurice, commence alors le dur et long apprentissage de toutes les facettes du métier : gorgeur, finisseur, brodeur, piqueur… Le soir, les samedis et dimanche, dans l'arrière salle d'un bistrot de la rue Rébeval, il apprend à lire, à écrire, à penser, sous la houlette de deux professeurs bénévoles passionnés d'éducation populaire.

En 1937, après avoir travaillé 15 ans chez les autres, Maurice Arnoult s'installe à son compte au 83, rue de Belleville, dans un atelier fond de cour qu'il appelait son «antre» où, pendant 60 ans, il va chausser le « tout-Paris » de l'élégance et de la célébrité féminine : 2.000 clientes figuraient sur son carnet de commande. En même temps, il travaillera régulièrement pour la Maison Michel, avenue Montaigne, qui fournit des chaussures de luxe pour les défilés de haute couture et fabrique des chaussures sur-mesure pour une clientèle française et étrangère fortunée.

Mobilisé en 1939 comme pionnier-constructeur de fortins à la frontière lorraine, il est fait prisonnier mais réussit à se faire libérer après avoir appris la mort de sa femme. De retour à Paris à la mi-1941, il découvre l'insupportable réalité, l'horreur des déportations, la collaboration. Il s'engage alors à protéger et à cacher plusieurs familles juives de son quartier menacées par les rafles. Après la Libération, il reste artisan indépendant. Seul Français de son immeuble de la rue de Belleville, il en devient l'écrivain public, intermédiaire bénévole entre la population immigrée et les administrations.

En 1990, son activité de bottier baisse, c'est alors qu'il décide de rassembler autour de lui, dans son atelier, un « collège d'élèves » venu(es) de tous les horizons, qu'il forme bénévolement aux secrets de fabrication de la chaussure sur mesure entièrement faite à la main tout en prenant plaisir à conter le passé du quartier ou à méditer sur les cimes de la philosophie. « Cela fait fonctionner mon esprit » disait-il. A l'âge de 100 ans , il accueillait et formait encore des élèves très assidues à ses cours. Il disait qu'il donnait ainsi ce qu'il avait reçu en héritage.

Le 31 mai 1994, le Comité Français pour Yad Vashem de Jérusalem a décerné à Maurice et à ses parents (Paul et Fernande Arnoult) le diplôme et la médaille de " Justes parmi les nations". Cet hommage est rendu aux personnes qui ont sauvé des juifs persécutés en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Maurice Arnoult va cacher, protéger et nourrir, durant trois années, dans un atelier de 110m², qu'il loue à Belleville, des familles juives qu'il sauve ainsi du désastre. Il mettra également en sûreté, à la campagne, chez ses parents à Savigny s/Orge, un enfant juif, voisin de palier de son atelier de Belleville. «C'était naturel, c'était évident, il n'y avait rien d'autre à faire» disait-il simplement. Pour ces hauts faits, Maurice Arnoult a été élevé au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur en avril 2007.

Le 23 juin 2008, Maurice Arnoult fête le centenaire de sa naissance.

Le 31 mars 2010, Maurice Arnoult décède dans sa 102ème année.